Arrivée d'une troupe

Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 28/05/2006

18 hommes armés... c'était l'escorte qui entourait le baron de Givry et le baron d'Antigny en cette pâle aurore de printemps bourguignon. Quelques condéens à la bande rouge, quelques givrois à l'épi de blé et quelques Antignois au lion d'or et à la croix de gueules galopaient ainsi vers Chablis à travers la campagne bourguignonne. Margny et Talensac avaient été invités par le duc de Valromey pour s'entraîner à jouter. Margny se faisait d'ailleurs une joie de s'imaginer bouter Castelmaure de son âne à chaque lance et le voir le cul dans le sable incapable de se reveler seul.

On leur avait dit que les terrains de quintaine de Chablis étaient les meilleurs de Bourgogne et leur accession récente à la noblesse décupplait leur désir de s'essayer à ces plaisirs dont ils avaient été si longtemps sevrés.

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Les puissantes tours de Chablis furent bientôt en vue et la petite troupe accéléra son galop pour dégager un nuage de poussière afin qu'ils soient repérés de loin. Ne s'arrêtant qu'aux pieds des murailles, Margny mit pied à terre et regarda Talensac

Voilà, Guillaume, nous sommes arrivés. Espérons que Charles ou Looÿs nous accueillent de suite, je ne voudrais point avoir à souffrir d'une attente pour te bouter hors de ta selle !

Partant d'un gros rire gras, Margny se retourna vers les gardes qui s'étaient approchés.

Manants ! Faites mander vostre seigneur ou son frère, à votre bon loisir, et dites leur que les barons de Givry et d'Antigny s'impatientent.
Occupez-vous de nos montures également et de celles de notre escorte, elles ont grand soif. Et ne vous avisez pas de mal les traiter, où je pisserais sur la tête de vos enfants, compris culs verts ?

Nombre de messages : 7 Date d'inscription : 30/03/2006

Le Baron de Givry se sentait en grande forme... Il avait délaissé l'uniforme pour une tenue plus conventionnelle et arborait fièrement ses armoiries toutes fraiches... Du haut de sa monture, il se tenait droit, le menton haut et le regard déterminé... Bientôt, il aurait l'occasion de donner une leçon à cette bleusaille qui tente désespérement de s'exercer au délicat exercice de la joute...

La délicieuse idée de voir le maitre des lieux, l'ôdieux Castelmaure mordre la poussière ou rouler dans la boue fit naitre un sourire narquois sur le visage de Talensac, visiblement pressé d'en découdre, et accélérant ainsi le galop de sa monture.

Lorsque Margny eut fini de beugler ses ordres, Talensac ne put résister à ajouter son grain de sel, menaçant les marauds qui osaient les faire patienter en brandissant son épée dans le ciel et chuchotant suffisamment fort pour qu'il puisse être entendu "dans deux minutes, j'en vois qui vont gouter à la froideur de ma lame"...

Puis il fit faire quelques ruades à son cheval en guise de trépignement, s'impatientant un peu plus à chaque instant...

[... "Compris, culs verts ?"]

Il n'en fallait pas plus pour que Pelot s'en échauffât. Depuis qu'il montait la garde à Chablis, il avait appris à reconnaître les degrés de noblesse. S'il craignait les puissants, il n'avait en revanche aucun complexe devant les petits nobliaux. Sans doute parce que Charles de Castelmaure l'avait chargé de décourager les petits barons bourguignons de venir en ses terres. Voyant le baron d'Antigny morigéner le Gros Gimont et Bartholin, le borgne édenté, son sang ne fit qu'un tour. Il faut dire que, près du four banal se tenait la jolie Gersende, qu'il courtisait depuis un mois, et qui se dérobait sans cesse à lui à chaque fois qu'il voulait la tenir de près. Voyant par là l'occasion de prouver son courage, il empoigna son arme et se porta devant le baron d'Antigny, qui s'était déjà bien hardiment porté dans le domaine, sans rester, comme il eût été d'usage pour un homme de bien, sur les marches du domaine.

V's êtes qui, vous ? Pourquouô qu'vous v'nez jusque su'l'perron du château ? On v's a pô appris à rester sâgement où c'est qu'c'est qu'vous d'vez rester ? P'is v's avisez pô d'viléner su' Gimont, sinon moi j'vous colle un soufflet su'l'casque et vit' fait ! Eul'patron, y m'a appris à pâ avoir peur des p'tits nob' comme ceusse que vous êtes, alors c'est pâ la peine d'essayer de m'faire peur, moi j'vous préviens.

Et, plein de zèle, Pelot prit une grande inspiration, regarda un instant Gersende et, plantant le pied de son arme droit dans le sol, brâma puissamment, le torse bombé :

Halte là, on n'passe pâ !

Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 28/05/2006

Le regard de Margny se posa sur le vilain qui se mettait en travers de son chemin. Il le regarda dédaigneusement avant de s'approcher

Ôtes toi de mon chemin maraud ou je te fais empaler sur le cure-dent que tu viens de planter en terres. Tu empestes la male mort, cours retirer cette crasse et cesse de m'importuner.
Ta chance est grande en ce matin que je sois d'humeur agréable, en d'autres temps je t'aurais déjà fait ravaler tes paroles une à une, bâtard galeux. Je suis ici notamment en tant qu'intendant de Condé, protégé du prince de Salignac... le fusillant du regard un homme devant qui ton maistre a rampé.

Marquant un temps de pause
Bon... tu m'as assez fait perdre de temps porcinet, appelles moi ton maistre ou tu seras responsable de sa déchéance à la salle des caducées . Tu sais ce que c'est ?
Alors si tu ne veux pas que ton maitre t'évisque lui mesme, recule, incline toi et court la queue entre les fesses le prévenir. Je ne saurais attendre davantage

Rugit Margny avant de partir d'un bon gros rire gras en se tournant vers ses compagnons

Nombre de messages : 7 Date d'inscription : 30/03/2006

Le paysan croyait pouvoir impressionner son monde en saisissant son arme devant le cortège... Cela avait au moins le don d'amuser la galerie et un rire communicatif gagna bientôt la troupe tout juste débarquée...

Talensac, qui riait de bon coeur devant la scène ridicule du pauvre homme tenant son épée comme un balai, n'en oubliait pas pour autant qu'ils avaient à faire à un cul terreux, un bouseux dont Aristote n'avait pas jugé bon de doter d'un cerveau plus gros que celui d'une mouche...

Il s'approcha donc par la droite une main sur le manche de son épée déjà sortie du fourreau, et prêt à percer le malheureux au moindre geste brusque ou menaçant...

Le bruit avait attiré Phelipe qui se changeait les idées en vagabondant dans le château. Lorsqu’il passa les portes et arriva à hauteur de la troupe, un jeune cavalier insultait le brave Pelot. Lorsqu’un second se dirigea vers ce dernier, arme à la main, le frère cadet jugea opportun le moment pour intervenir.

-« Ola Messire, voila bien des manières de traiter le valeureux garde du domaine de Charles de Castelmaure. Nul doute que vous le couperiez en deux du haut de votre canasson, planqué dans la masse de fer de votre armure, et équipé d’une telle épée qu’elle couperait même la parole à ma chère mère… Ou pas. Mais serait-il préférable pour vous d’honorer ce que vous considérez comme le rang des braves… »

Il laissa échapper un rire narquois.

-« Qui êtes-vous et que voulez-vous ? En sus de vous ridiculiser en vous noyant dans les marécages de votre arrogance déplacée. »

Nombre de messages : 7 Date d'inscription : 30/03/2006

Et voila qu'un autre ignorant daignait venir s'enquérir de la situation, poussant le vice jusqu'à demander l'identité des deux meneurs, connus pourtant dans toute la Bourgogne... Talensac soupira devant tant d'ignorance... Castelmaure n'avait donc donné aucune éducation à ses sbires ???

Talensac descendit de sa monture et corrigea l'impudent :

Primo, ne vous en faites pas pour moi, je sais nager, les marécages ne me font donc pas peur...

Secundo, mon canasson est plutot un destrier ! Visiblement, dans votre campagne, vous ne savez différencier un poney d'un pur sang !

Tertio, le seul à être ridicule ici, c'est bien vous à débitter des sottises... Alors mon brave, je vous somme de nous mener à votre Maitre... Nous sommes attendus !

Alors deux solutions pour vous... deux ! Est ce trop pour la petite caboche qui vous sert de cervelle ???

Soit vous nous introduisez à l'intérieur, soit nous nous introduisons nous même...

Et pendant qu'il prononçait ces mots, quelques hommes derrière Margny prirent l'initiative de s'avancer en direction de la porte...

Phelipe avait devant lui la caricature parfaite de la putréfaction des nouvelles générations de noblios qui se pensait suffisamment puissant pour se permettre de se croire respectable.

-« Personne n’entrera dans le domaine de mon frère Charles de Castelmaure, Duc de Valromey, Baron de Chablis, seigneur de Castelmaure, seigneur de Cassagnes-Begonhès et Pair de France ; sans avoir révélé son identité et les raisons de sa venue, ou il risquerait d’être bien fort mal accueilli par la maison. »

Il observa un moment ce sottard englué dans ses titres de noblesse, avant de s’exclamer à celui-ci qu’il comprenait pourquoi un homme avec si peu de verve avait besoin d ‘autant d’apparat pour se tenir à hauteur des Castelmaure.

Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 28/05/2006

Margny tourna la tête en s'entendant hêler par une autre voix. Talensac s'occupant déjà de lui, Margny regarda la scène amusé.
Songeant qu'il était peut-être temps de corriger ce rustre qui osait tenir tête, Margny leva le bras droit et indiqua aux hommes de Condé et d'Antigny d'entrer dans le castel. Puis, avec les hommes de Givry, ils entourèrent l'impudent et posèrent tous les 7 leur main droite sur le fourreau de l'épée à leur côté.

Alors comme ça cette petite gueule d'ange est le frère de Castelmaure ? Mais y en a combien comme ça ? Encore un qui vit planqué dans l'ombre de son frère...

partant d'un bon rire gras puis lui mettant la main sur l'épaule

Tu vois, la différence entre des gens comme toi et des gens comme nous, c'est le mérite. Tu es né la gueule pleine de cuillère en or, nous avons mérité notre noblesse. Alors si tu veux qu'on évite de pisser sur ton cadavre comme sur celui de tes frères, écarte toi de mon chemin tu veux ?
Allez sois gentil et retourne forniquer ta catin pendant qu'on jouit des droicts qui valent à notre rang.

Plissant les yeux

Tu m'as bien compris ?

-« Navré que la frustration gravée dans vos caboche vous refuse le plaisir de vous sentir à votre aise loin d’une quinzaine de gardes prêt à vous ouvrir un passage de force aux écluses rencontrées sur votre chemin. Peut être avez vous passé votre vie à chercher le pouvoir de traiter les gueux comme ce que vous fûtes, j’ai passé la mienne à renier ce privilège de lâche. »

Un regard de dédain pur flottait dans les yeux de Phelipe, pour ces sous-hommes qui cherchaient à prouver une fausse valeur qu’ils n’auraient jamais.

-« Puisque nous ne sommes pas entre gens raisonnable ici, permettez moi d’admirer en silence la pathétique procession de vos pantins intéressés. Je n’aimerais pas perdre d’avantage de temps à écouter les sarcasmes de deux gosses à l’esprit indigent »

Charles avait entendu Pelot hausser le ton depuis son cabinet de retraite. Brisant là son entretien, il laissa son interlocutrice et se porta à la fenêtre. De là, il aperçut son frère et Pelot aux prises avec un noble enharnaché, qu'il reconnut tout de suite être Margny ; de l'autre côté, il voyait une silhouette qui lui était inconnue. Et derrière, une dizaine de gens de pied.

Charles prit son mantel pourpre et se porta à l'extérieur. De là, il se porta rapidement à proximité de l'attroupement.

Tiens, Margny ! Qu'est-ce qui vous porte chez moi ?

Et, avisant Phelipe, puis Pelot, il leur demanda à tous deux la raison d'un tel boucan.

Il se tourna vers Charles, qui arrivait à point nommé

-« Une infestation de rats des villes mon frère, il faudrait penser à purger la place, cette vermine m’incommode. »

De quoi parles-tu, Phelipe ? Epargne-moi ton fiel et parle-moi clairement, bourrique !

Et, se disant à lui-même entre ses dents :

Diantre, faut-il que je n'aie autant de labeur sur mon billot pour être autant importuné que je le suis ? Misère...

Et, se tournant vers Pelot :

Pelot, mon ami, explique-moi clairement ce qu'il en est.

Pâtron, c'est ceste gens qui veulent entrer dans l'château. Sont arrivés, et p'is s'en sont aller tancer le Gros Gimont, surtout lui, là, le p'tit hargneux. D'vous à moi, m'est avis qu'y veulent vous voler vot' dor, pâtron ; v'savez, c'ui que vous avez piq...

Pelot n'eut pas le temps de finir : Charles le coupa.

Charles écouta Pelot lui expliquer sa version des faits :

Et bien, Margny, est-ce une façon de se présenter chez les gens que de tancer ma gent ? Ne vous a-t-on point appris la politesse ? Je vous rappelle que vous vous présentez ici chez un Pair de Sa Majesté, et j'aimerais qu'au moins vous vous comportiez avec l'étiquette qui vous tient sur mes terres. Brisons là. Qui vous porte jusqu'à mes murs ?

PNJ Nombre de messages : 18 Date d'inscription : 14/04/2007

Le gros Gimont sursauta en voyant arriver sur lui des hommes en armes qui n’appartenaient pas à la famille du domaine. Refourguant une brioche huileuse et à motié engloutie, au fond d’une de ses poches crasseuses, il s’imposa sur le chemin des hommes et les toisa de ses yeux de porcins.

-« V’la une troupe ben bizarre, Ques vous faites ici, z’etes là pour la taille des haies ? V’nez m’en vais vous montrer les outils. C’tait pas ben la peine de v’nir aussi équipé là, j’espère que vous faites pas payer pu cher quand même »

Le Duc ayant quitté son bureau, où sa mère s'évertuait à lui citer tout un tas de noms, que tous ceux connaissant les obsessions de la vieille femme auraient reconnus comme de nobles femmes point encore mariées, ladite vieille femme le suivit dans les couloirs, en poursuivant :

-« Orchi, Baronne de Tournoël, veuve une fois, disais-je !

Corouine de Tulle Ora, Duchesse de Romorantin, baronne de Ferrières, en Orléanais !

Lancelote de Nagan, Baronne de Castelnau-Bonnefonds, Baronne de Châtillon-Coligny, en Languedoc et Orléanais !

Chaaaarles, vous m'écoutez ? »

Et sans doute n'écoutait-il pas. La mère ne chercha pas à comprendre qui se trouvait dans le vestibule, et, presque pendue au cou de son fils, continuait de lire la liste qu'elle tenait dans sa main... Tandis que sa perruche, accrochée à l'autre, jabotait tant qu'elle pouvait - car vraiment, elle n'aimait pas l'agitation.

Toutes les perruches, dans la cage restée dans l'entrée, lui répondirent dans un concert de jabotements des plus désagréables pour les oreilles.

Nombre de messages : 187 Date d'inscription : 20/04/2006

Looÿs était dans le chateau lorsqu'il entendit les sabots d'une petite troupe se dirigeant vers le chateau. Quelques instant plus tard des sons de voix et d'agitation lui parvinrent aux oreilles. Il suivit son frère Charles lorsque celui-ci quitta le château pour allez voir ce qui pouvait bien provoquer un tel rafus. Lorsqu'il arriva sur les lieux il vit les Barons de Givry et d'Antigny sur leurs chevaux et entouré d'une escorte d'une quinzaine de soldats. Il salua les deux Barons vu à Chablis pour s'entrainer aux joutes.

Diantre ! Que ce château était grand ! Après s'être perdue maintes fois dans ce dédale de couloirs et pièces toutes plus grandes les unes que les autres, la Baronne, légèrement décoiffée, trouva enfin la sortie de ce labyrinthe.

Encore complètement offusquée par l'attitude de l'odieuse mère de Charles, elle fulminait dehors, pestant contre son crétin de cocher, incapable d'être là quand la Baronne avait besoin de lui.

Mais alors qu'elle s'apprêtait à se repoudrer le nez à l'aide de sa préparation à base de riz, elle plissa les yeux, se demandant si c'était vraiment... Coluche et Toultoutim... !

Mais que faisaient-ils ici ?

Interloquée, la Baronne resta plantée là, les regardant.

La mère de Charles ne fit peu de cas de la nouvelles venue, qui avait bien mal pris congé d'elle quelques minutes auparavant. Trois "clients" à visiter ? Etait-elle donc une fille de joie ? Son fils allait se corrompre avec pareille créature des bas fonds ? Ah, vraiment, elle n'avait pas de "Kaarava" dans sa liste !

Comme son fils ne disait rien, elle continua :

-« Eleusis Mercoeur de Cluny, Baronne de Lorris, Dame de Villacerf, dame de Mathusalem, en Orléanais et en Champagne !

Marguerite de Volpilhat, Baronne de Calvisson en Languedoc, une Urgel mon fils !

Maialenn de Mazerolles, Baronne de Laignes en Bourgogne, une Albret et Grailly !

Fréquentez ce genre de femmes, mon fils, mariez-vous en une ! »

Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 28/05/2006

Margny ne supportant pas l'impertinence du frère de Castelmaure avait levé vers la gauche sa main droite gantée de mailles ferrées pour gifler le hobereau lorsqu'il entendit une voix qui n'avait rien perdu de son autorité malgré les nombreux mois hors de Bourgogne du baron de Chablis. Il laissa retomber sa main, leva le bras gauche pour demander à ses hommes de relâcher leur main sur la garde de leur épée et avança à l'intérieur du castel vers Castemaure, invitant Talensac d'un coup d'oeil rapide à en faire de même.
Sans même prêter une quelconque attention à la question du maître des lieux, Margny soutint son regard, ce qu'il pouvait à présent se permettre, avant de désigner Phelipe d'un coup de tête.

Ainsi donc c'est un Castelmaure aussi lui ? Il ne manie pas trop mal la langue francoise, mais devrait apprendre à mettre son fiel à servir des desseins plus efficaces.

Levant le menton vers Pelot avant de lui lancer quelques piecettes

Je l'aime bien votre brute. Voyez, je ne tance point votre gent, j'essayais de leur inculquer quelques règles qui leur siéraient.

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Mais vousa avez raison, brisons là. Nous sommes venus, avec Guillaume de Talensac que voici, nous entrainer à jouter sur invitation de vostre frère, Looÿs...
hésitant avant d'ajouter, narquois
Parbleu, combien êtes-vous de frères chez les Castelmaure ? Vostre mère a foutrement bien trava...

Margny n'acheva pas sa phrase, apercevant celle qui semblait être la fameuse mère en question. Il se dirigea vers elle pour la saluer lorsqu'il aperçut Looys qu'il salua d'un coup de tête et... Mazerolles ??

Shocked

Margny hésita, regarda tour à tour Maialenn puis Charles, pris d'un mauvais pressentiment. Regardant la plus belle femme de Bourgogne d'un air indifférent, Margny la salua moqueur pour masquer son trouble, insistant sur le prénom et le tutoiement.

Et bien Maialenn ? Que fais-tu ici ? Viendrais-tu jouter avec nous ?

exposa Margny avant de partir d'un rire gras en se tournant vers Talensac

Les lices ?

Charles resta interloqué, bien qu'il n'en fit rien paraître. Visiblement, son frère Looÿs ignorait, ou avait oublié, ou encore négligé, les relations entre Margny et lui. S'il y avait bien une personne que Charles ne souhaitait voir en ses terres, c'était bien Margny, le fidèle roquet de la Bique, comme il appelait le Prince de Condé. Ces deux-là étaient si bien assortis l'un à l'autre qu'il en était à se demander parfois si la Bique n'était pas grimpé sur le râble de la mère de Margny. Une telle union de clientèle sentait par trop le hasard suspicieux. Toujours est-il que Charles restait le visage fermé face à ce nobliau de bas-étage qui venait en ses terres lui soutenir le regard. Charles en connaissait la raison. Margny triomphait de porter ses bâtons de héraut, il possédait un pouvoir sur Charles ; il pouvait effacer d'un trait de plume son dossier à la Hérauderie, et l'empêcher de poser sa griffe sur le Nivernais ; il pouvait traquer sa moindre faute et déposer une instruction en dérogeance. Par transfert, Margny jubilait. Mais Charles avait un pouvoir que Margny n'avait pas : il était avec la duchesse de Saulieu le plus puissant seigneur de Bourgogne, et bientôt il les dépasserait tous en superbe ; il était Pair de France, et commençait d'être proche de la Reine ; il était riche enfin, et en face de la maigre vingtaine de gardes de Margny, il pourrait le saigner au coin du bois par au moins le triple de sa garde. Charles savait où était son intérêt, pourtant.

En contrebas, par là.

Et, ajoutant entre ses dents, tandis qu'il se dirigeait vers Maialenn :

Surtout, prenez garde à ne pas vous faire mal, bourrique. Je ne voudrais pas qu'on en vienne à soupçonner que j'ai manifestement déboulonné la quintaine.

Alors que Margny et l'autre noble s'apprêtaient à éperonner pour descendre vers les lices, Charles revint vers Maialenn, qui était sortie du château, et semblait prête à partir.

Pardonnez-moi, je vous ai quittée précipitamment pour dénouer cet imbroglio. Reprenons notre entrevue. Vous me parliez de ces étranges affaires qui se déroulent à Cosne en ce moment...

Tout en lui pressant le bras, il la menait avec un semblant de force vers l'intérieur du château.

La mère était restée sans voix, quand elle avait entendu le baron de Margny s'adresser à la dame Kaarava. Ainsi, Kaarava n'était pas son nom, elle s'appelait Maialenn ?

Quand elle retrouva ses esprits, elle se précipita à la suite de son fils.

-« Attendez, mon fils ! Que ne m'avez-vous présentée à votre invitée ? Ne me dites pas qu'il s'agit de la baronne de Laignes ? »

Et ce disant, elle adressait un regard coupable à Maialenn, honteuse de l'avoir prise pour ce qu'elle n'était pas, pour simple affaire de nom.

Tout en gardant le bras de Maialenn dans sa main droite, Charles siffla entre ses dents :

Venez, mère, nous avons à faire...

Jehanne n'était pas accoutumée à obéir à son fils, et sa liste pendait encore au bout de son bras. Elle lui fit signe de patienter quelques secondes, alla mettre sa perruche dans la cage avec les autres, puis le suivit, intriguée.