Arrivée d'Umondel de Virloinval

Le vieux Juge avait pris place sur son cheval, ayant pris soin de faire préparer par sa chère soeur Cunegonde, quelques en-cas pour la route.
Le temps était glacial, la bise soufflait, et les tavernes bondées par des villageois soucieux de se réchauffer.
Diantre, il n'aimait pas cela, mais il convenait de laisser se reposer sa monture toutes les deux heures.

Cinq ou six brigands occis plus tard, il arriva devant l'entrée du château.
Il descendit de son cheval et s'adressa au garde qui se trouvait là, faisant du surplace et claquant ses bras le long du corps pour se réchauffer.

Ola garde ! Le bonjour...

Voudriez-vous faire prévenir la duchesse, que Messire Umondel de Virloinval souhaiterait avoir un entretien avec elle.

Et fissa je vous prie, je suis gelé...

Le garde, à Chablis, c'est presque à coup sûr le Pelot. Le Pelot, c'est un homme pas tout à fait lettré. Voire, pas du tout. Souvent somnolent. Mais dévoué. C'est le plus important, ça. Dévoué à la maîtresse - c'est d'ailleurs mieux qu'un maître, une maîtresse ! - et soucieux du respect qu'il faut lui porter. De toute façon, avec sa hussine qui claque sec sur les molets, il vaut mieux lui obéir, à la maîtresse. Depuis que les incapables de Chablis ont compris ça, ils voient moins souvent la hussine. Leurs jarrets s'en portent d'autant mieux...

Quand l'homme s'approcha, le Pelot fut positivement impressionné de tout ce sang sur les flancs de son cheval, et sur la cape de l'homme.

-"Ousque v's avez fait malencontre, m'sire ?"

Et comme le visiteur lui commandait d'aller chercher la Duchesse, pour un entretien, qu'y disait, et pas très poliment encore, le garde scruta l'homme grelotant, cherchant s'il portait quelque hussine ou canne qu'il userait à tancer le garde de son audace. Oh et puis flûte :

-"C'est y qu'vous v'nez y d'mander comment qu'on est poli avec les serviteurs d'euls autres ?"

Le vieux Juge ne comprenait strictement rien au langage de son interlocuteur.
Tout au plus voyait-il que son visage semblait mécontent, mais fichtre... le garde avait-il conscience à quel point il était transi de froid, et que son seul souhait était de pouvoir se réchauffer au sein du château ?
Il tentait de se remémorer chacun de ses mots, encore et encore, plus lentement...
Diable, non, décidément, rien à faire.
Que faire ? comment lui faire comprendre ? Il sortit sa bourse et s'adressa au garde

Moi... visite... souhaiter ~~m'entretenir~~... euh parler avec votre maîtresse...
maîtresse... Sa Grâce Beatritz... vous comprenez ?.... la duchesse ! du-che-sse !

le garde hochait la tête en le regardant étrangement. Umondel était frigorifié et redoutait de devoir attendre plus avant en ces lieux.
Ah un bon feu ouvert, le crépitement des braises, une tisane chaude.

Tenez, mon ami, prenez ceci.

il lui tendit 10 pièces d'or.

Si le Pelot hochait la tête en le regardant étrangement*, ce n'était pas par défaut de compréhension. Il n'était pas lettré, ne savait ainsi ni lire, écrire ou réfléchir, mais parler, comprendre ce qu'on lui disait, ça il savait quand même. Il avait bien compris que le visiteur voulait voir la duchesse. Le visiteur, lui, n'avait pas bien compris les mots d'accueil et de sollicitude qu'il lui avait adressés. Ingrat !
Et il comprit tout à fait que le visiteur se moquait tout à fait de lui. Pauvres citadins, qui ne comprennent pas le bel accent rural !
Mais le dilemne désormais était là : on lui avait donné des pièces. Il ne comprenait pas pourquoi. Pour le faire taire ? Ça n'arrangerait rien. Par pitié ? C'était méchant. La Duchesse les nourrissait bien, et avait beaucoup de bienveillance pour leur confort. S'il acceptait, serait-il dit qu'il faut payer pour entrer en Chablis ? Le garde était sensible à ce genre de détails qui pouvaient ruiner la réputation de sa maîtresse.

Mais il les rendrait à l'homme qui semblait si généreux de ses écus ?

Cette longue réflexion du garde augmenta l'attente frigorifiée du visiteur. Mais le Pelot n'en avait cure. Finalement, il afficha un sourire béat et dit :

-"C'est ben d'cours d'politesse qu'v's v'nez prend' ! Suivez-me, eul'duchesse est là bas dans s'appart'ments."

Et il ouvrit l'huis et précéda le visiteur dans le château de Chablis, qui avait un cloître intérieur, dans lequel il fallait passer pour accéder aux appartements privés de Béatrice de Castelmaure.

*[Merci de faire agir les autres à leur place...]

Le vieux Juge le suivit

[je lui donne quelques écus par gentillesse, non par calcul puisque je ne le comprends pas.
Au fait, où vais-je ? je ne trouve pas les appartements privés...]

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

[Libre à Pelot, qu'est pas bien intelligent, de ne pas comprendre ^^ Si tout était convenu d'avance dans un RP, ça ne serait pas drôle, non ?
Pour le RP, on va rester ici, ça évitera d'ouvrir 10 000 topics.]

Quand le Pelot frappa à la porte de ses appartements privés, la Duchesse de Nevers releva la tête de son ouvrage - les travaux d'aiguille étaient une occupation régulière, l'hiver, chez elle, et envoya une de ses dames de compagnie ouvrir.

Ainsi fut introduit Umondel de Virloinval dans la pièce où Béatrice de Castelmaure recevait, qui n'était ni la grande salle de réception - trop vaste à chauffer, si ce n'était pour les grandes occasions, en plein hiver - , ni dans le cabinet privé, qui n'était réservé qu'aux affaires vraiment confidentielles, où ne suivaient pas les dames de compagnie.

La Duchesse, assise dans un fauteuil garni de coussins, devant le feu, vêtue d'une robe sans brocart d'or ou d'argent, car chez elle passait-elle des vêtements plus simples, quoique toujours riches et bien ouvragés. Robe bleue, sur une camisole de drap blanc. Elle avisa qui était introduit, et inclina la tête.

-"Soyez le bienvenu à Chablis, Maître de Virloinval. Venez vous asseoir près du feu, grand dieu ! Vous semblez frigorifié."

Le vieux Juge prit place près du feu. Il était frigorifié, ses doigts engourdis par les basses températures de cet hiver exceptionnellement rigoureux.
Il regardait autour de lui et admirait les tapisseries, pour sûr un travail d'une grande qualité par les meilleurs artisans du Royaume.

Votre Grâce, je vous souhaite le bonjour et vous présente mes profonds respects.
Merci de m'accueillir chez vous, en ce Château de Chablis.

Nous nous connaissons peu, permettez-moi donc de me présenter brièvement.
Umondel de Virloinval, actuel Juge de Bourgogne, entièrement dévoué à son duché.
J'habite la bonne ville de Joinville, où je suis conseiller au Maire.
Avocat de formation, je hante les prétoires de la Cour d'Appel à Paris, et ai plaidé au tribunal de Dijon, avant d'accepter le poste de Juge depuis maintenant plus de deux mois.

J'ai l'honneur de faire partie de la Garde Royale et suis fier de pouvoir servir notre bon Roy de la sorte.

Vous devez sûrement vous interroger quant au motif de ma venue icelieu.
Voici : je cherche fief pour m'installer, convoler en justes noces et fonder une famille.
Cette recherche n'est pas chose anodine, car il est exclu à mes yeux, de m'installer en un endroit que je ne pourrais honorer avec toute la ferveur qui m'anime lorsque je crois en ce que je fais, et pour qui je le fais.

Or, il appert que j'estime votre personnalité. Nos (trop) brefs échanges épistolaires se sont limités à du formalisme purement administratif, mais leur contenu m'a séduit. En outre, vos démarches de rigueur et votre sens du perfectionnisme dans l'accomplissement de votre tâche au sein du Collège de la Noblesse m'ont été rapporté, et correspondent à ma manière de concevoir toutes choses. Si vous me faites cette immense faveur et honneur, j'aurai en outre l'opportunité de servir mon duché en lui apportant conseil.

Enfin, vous avez accordé bail à une mienne et très chère amie, Della, votre Dame de Railly, et ce serait un plaisir de la côtoyer en vos terres.

Pour toutes ces raisons, grande serait ma joie de vous honorer comme suzeraine et vous prêter le serment vassalique.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

La Duchesse, qui avait enfilé, après avoir posé son ouvrage, ses éternels gants - cette foie ils étaient en soie, fins et bleus - , écouta son visiteur avec attention, ne détachant son regard azur de l'homme que pour prendre, de temps à autres, un biscuit au gingembre dans un compotier placé à portée de main.
Il parla longtemps. Elle entendit « entièrement dévoué à son duché », elle entendit « Garde Royale », elle entendit « servir notre bon Roy de la sorte », et chaque mot avait sa résonnance dans son esprit, quoiqu'elle se gardât bien de le manifester.

Elle entendit « je cherche fief pour m'installer, convoler en justes noces et fonder une famille », et entendit encore « j'estime votre personnalité », elle entendit que ce serait une faveur et un honneur, que cela lui ferait servir le Duché. Tant d'arguments à décortiquer !

Quand elle fut tout à fait sûre qu'il eût fini son argumentaire, elle le fixa encore un moment dans les yeux, le visage aussi impassible qu'elle en était capable, avant de dire :

-« Qu'est, pour vous, le dévouement ? »

Le dévouement... voilà un concept qui, mêlé à la notion d'honneur, lui paraissait si important...

Le dévouement est le don de soi-même fait à quelqu'un ou à quelque chose, à un être ou à un idéal.
C'est un geste très noble et qui montre le plus beau côté de la nature humaine : son désir d'assurer le bonheur des autres, parfois même au prix d'un généreux sacrifice.

dévouement au Roy : Il assure le ciment entre les provinces, Il est le garant de nos libertés, Il nous assure protection et assistance. Il est celui grâce à qui nous pouvons vivre, et pour qui nous devons vivre.
Je n'ai pas hésité dans le passé, et n'hésiterai pas une seconde à lui offrir ma vie s'il le faut, dans le parfin d'exécuter tout ce qui Lui paraitra nécessaire. Mes fonctions dans la Garde Royale vont en ce sens.
dévouement au duché : j'ai en mémoire les heures nocturnes passées en compagnie de sa Grâce Ingeburge lors des moments difficiles de la Bourgogne (guerres mercenaires de l'été passé, affaire Aioren, etc).
Il s'agit de mettre ses intérêts personnels entre parenthèses, et ne plus raisonner qu'en fonction du bien pour la Bourgogne : conseils, engagement armé, exemplarité du comportement.
dévouement au suzerain : ce n'est pas un vain mot. Il s'agit de ne rien lui cacher, le mettre au courant de toutes les informations dont je dispose, proposer tout conseil souhaité, prendre fait et cause pour lui, et lui devoir obéissance en tous temps.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

Ce que la Duchesse de Nevers retint par dessus tout, c'est que cet homme-là n'était pas avare de mots, lorsqu'il s'agissait de bien clarifier sa pensée. Et comme, après tout, il était tout aussi bien qu'elle posât les questions et que lui répondît, elle poursuivit, non sans avoir bien noté certaines petites choses au coin de son esprit :

-"Bien, voilà votre idée du dévouement. Et vous êtes entièrement dévoué au Duché de Bourgogne, n'est-ce pas ? Vous n'avez de cesse de mettre vos intérêts personnels entre parenthèses, pour sa grandeur. Le Duché récompense ceux qui lui sont dévoués, et c'est tout ce que nous vous souhaitons."

Elle marqua là une courte pause, puis continua :

-"C'est une chose, le dévouement, qui poussée à l'extrême nous détourne de la famille et de leur bien. Alors, vouloir leur assurer le cadre sûr d'un fief pour grandir, voilà qui n'est pas sans cohérence. Que sont pour vous la noblesse, l'humilité, la déférence et le pouvoir ?"

Le vieux Juge avait la gorge sèche à force de parler. Son hôtesse posait des questions pertinentes, et il était normal qu'il y répondît avec précision et sans détour, mais il avait une de ces soifs...

La noblesse est une manière de vivre.
Servir les institutions sans rechercher les éloges ou flatteries. Je n'aime pas en parler, mais comme vous souhaitez à juste titre savoir ce que j'entends par cette manière de vivre, j'ai par exemple aidé financièrement la bonne ville de Dijon après que le vil Bazin eut vidé les caisses municipales, ou aidé financièrement certaines armées de Sa Majesté.
Mais c'est aussi servir les villageois : je vends régulièrement du pain à prix bradé pour les nécessiteux de Joinville.
Gardons tout cela in petto s'il vous plaît.

Voilà mon concept de l'humilité : servir discrètement, mais efficacement, sans rien chercher en retour.

Le pouvoir ? Il est nécessaire si l'on veut faire avancer des idées que l'on croit justes et utiles à la communauté. Il est hautement haïssable s'il ne vise que l'autorité elle-même et cette gloriole permanente dont aiment se parer certains.

La déférence est le respect naturel que l'on doit à toute personne de noblesse ou de rang plus élevé(e). Cette déférence est fondamental et rejoint la notion d'humilité et de reconnaissance des mérites d'autrui.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

Elle écoutait. Parfois prenait un biscuit au gingembre. Dieu que c'était délicieux ! L'homme avait un débit de paroles tout à fait impressionnant. Parti sur une idée... Bien malin qui l'arrêterait avant la fin de son développement !

Alors de même qu'après la question précédente, elle se contenta de le regarder, bien fixement, bien droit de ses prunelles bleues, pendant qu'il parlait. Et laisser le silence durer, ensuite, pour être sûre qu'il avait tout à fait fini.

Après quoi, elle détourna le regard. Elle le posa sur le feu. Qu'il était bon d'être tout près des flammes ! Et à voix basse, pour elle, elle répéta :

-« Justes et utiles... »

Le silence dura quelques secondes de plus - c'est long, trois vraies secondes, n'est-ce pas ? - puis, regardant toujours l'âtre, haut et ferme :

-« Garde Royal. Parlez-nous d'Arianrod de Cénorel. »

C'était là le travers de Béatrice de Castelmaure, qui ce jour-là la servit : d'aucuns pourraient la dire oisive, car elle ne se mêlait pas de politique. Mais ceux-là ignoraient qu'elle mettait à profit son précieux temps à l'étude de la noblesse... et pas seulement celle de Bourgogne.

Arian... ah arian...

La Baronne d'Ouillie est une mienne et tendre amie, Capitaine de la Garde Royale.

Je l'ai connue lorsqu'elle était Grand-Maistre de l'Ordre Royal du Saint-Esprit, et moi Chancelier d'icelui.
C'est mon supérieur hiérarchique à la Garde Royale, dont j'ai d'ailleurs l'immense honneur de vous annoncer que je vais devenir Lieutenant.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

Oui, bien sûr... Dégageant son regard des flammes, Béatrice de Castelmaure vint le planter, résolument, sévèrement, dans celui d'Umondel de Virloinval.

-« Rien d'autre ? »

Umondel de Virloinval poursuivit donc, ne sachant trop sur quel sujet sa Grâce souhaitait qu'il s'exprimât davantage : sur ses fonctions au sein de la Garde du Roy, ou celles au sein de la baronnie d'Ouillie.

La baronne, en remerciement de services rendus, m'a baillé le fief de Saint-Laurent-du-Buisson. C'est un honneur et lui suis reconnaissant de m'en avoir montré digne.
Toutefois, il s'agit de terres situées en Normandie, et comme je vous ai expliqué voici quelques instants, je suis fier Bourguignon.
C'est en cette belle province que je suis né, que j'exerce mes activités lorsque je ne suis pas en déplacement pour le Roy, et c'est en Bourgogne que je souhaite donc que ma future épousée et ma descendance puissent s'épanouir et prendre pied en fief.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

La jeune Duchesse fronça les sourcils, face à l'aplomb de son interlocuteur. Ses mains sur ses genoux, gantées comme d'ordinaire, elle se tenait les doigts, les tordait, enfin, montrait quelques signes d'un agacement qu'elle allait expliquer en ces termes :

-« Messire de Virloinval... L'ennoblissement vient, en général, récompenser un mérite. Le Duché récompense ceux qui l'ont servi avec mérite. Nous, sur nos terres, récompensons ceux qui nous ont servi avec mérite et continuent de nous servir. La Dame de Railly nous a été une précieuse dame de compagnie durant des mois. Nous avons appris à la connaître. Et forte de cette connaissance, et de notre reconnaissance, nous l'avons faite entrer dans le cercle très restreint de nos vassaux. Sans qu'elle n'ait rien réclamé, alors qu'au bout d'un tel temps de service, elle aurait eu de la légitimité à laisser entrevoir l'espoir d'ascension sociale que caressait son coeur. »

Pause. Elle avala sa salive, lissa sa robe du plat de la main. Inspira, regarda Umondel.

-« Vous nous avez parlé de dévouement, d'absence de mensonge vis-à-vis de son suzerain, de votre voeu de vous établir en un fief bourguignon... Que vous nous demandez.

Mais vous ne nous avez jamais servi. Pourquoi deviendriez-vous notre vassal ? Les suzerains sont responsables des actes de leurs vassaux. Pourquoi, nous, Béatrice de Castelmaure, Duchesse de Nevers, Comtesse du Lauragais, Vicomtesse de Chastellux, Baronne de Chablis et de Laignes, nous vous prendrions pour vassal et endossions la responsabilité de vos actes ?

Vous réclamez un titre, ou une terre ? Des terres à gérer, nous en avons beaucoup. De grosses fermes, dans de beaux domaines, où vous pourriez vous installer avec notre accord, nous en avons. En revanche, quel sens y aurait-il à prendre un vassal qui a aussi peu de respect pour la noblesse que vous ? Accepter une terre normande, un titre normand qui vous arrache à la roture... Et clamer que vous n'y vivrez jamais ? Voilà qui est bien ingrat de la part d'un vassal. »

Nouvelle pause. Le rouge lui teintait les joues.

-« On ne réclame pas les faveurs, on les laisse venir. Eventuellement, on provoque les situations qui leur sont favorables. Mais on ne réclame pas. Surtout quand on vient tout juste de jouir de faveurs importantes. D'obtenir une terre, une noblesse.
Si vous voulez un titre bourguignon, allez démarcher un autre noble, car nous ne sommes pas disposée à nous engager dans un contrat de vassalité avec vous ; ou attendez que votre dévouement si désintéressé envers la Bourgogne porte ses fruits et vous gratifie d'une terre vassale du Duché de Bourgogne.

Si vous voulez un endroit où vous installer en Bourgogne, nous pouvons vous faire intendant de l'une de nos terres. Vous auriez une demeure d'intendance, des terres exploitables pour votre revenu, et des responsabilités. Vous pourrez fonder votre famille dans un cadre sûr - car pour peu que vous soyez un intendant efficace, il n'y a aucun risque que vous soyez chassé.

C'est à vous de choisir. »

désolé pour le délai de réponse, dû à un surcroît de travail IRL.

Le vieux Juge écouta son hôtesse avec attention, hochant tantôt la tête, fronçant tantôt gravement les sourcils. Il entendait certaines paroles qu'il ne pouvait laisser passer sous aucun prétexte.

Votre Grâce, permettez-moi de revenir sur certains points que je ne puis admettre sans les rétablir.

Dire que je manque de respect à ma suzeraine normande est une contrevérité, que dis-je un camouflet, que dis-je une insulte. Je possède un sens inné de l'honneur, de la loyauté et du respect. Les terres que j'ai reçues en fief de la part de la baronne sont pour moi une immense occasion de constater l'affection qu'elle me porte et, je présume, la reconnaissance des services que je lui ai rendus.

Prétendre que je les délaisserai et ne m'en occuperai pas est tout aussi inexact. Toutefois, mes affaires me retenant la plupart du temps en Bourgogne, il est certain et évident que je n'y vivrai pas constamment (croiriez-vous en un mensonge aussi énorme ?), mais je m'en occuperai. C'est aussi la raison pour laquelle je recherche un fief bourguignon en vue d'y établir ma résidence principale.
Je ne fais point partie de cette sorte de gens qui expliquent hypocritement gérer leurs domaines sans n'y être pourtant jamais allés. Et affirmer que les nobles plurifieffés sont omniprésents en leurs terres relève du mensonge peu aristotélicien.

Vous avez devant vous une personne honnête qui vous a expliqué honnêtement la situation. Telle a toujours été ma ligne de conduite, n'en déplaise à certains, et telle sera toujours ma ligne de conduite. Honneur, honnêteté, rectitude et bravoure.

Je me plais à ne pas vous avoir entendu discourir sur un "démarchage" des nobles, l'apanage d'une surdité sélective et heureuse affectant mon âge avancé, sans doute. Si je suis venu vous rencontrer, c'est, ainsi que je vous l'ai expliqué voici quelques instants, en raison de l'admiration que je vous porte. Soyez sûre que je ne franchirais jamais certains ponts-levis d'autres châteaux.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

Umondel a écrit:: désolé pour le délai de réponse, dû à un surcroît de travail IRL.

Tout pareil, alors je pardonne et supplie humblement d'être pardonnée à mon tour ^^

Elle soupira, en l'écoutant, ne cachant plus qu'elle était agacée. Elle avait un parler direct, et ne cachait pas ce qu'elle pensait, quand il était temps de le dire. Finalement, elle se leva, n'y tenant plus. Elle répondit, lui jetant des regards peu amènes, et faisant quelques pas de temps à autre :

-« Et bien, si vous vous sentez insulté, provoquez-nous en duel. Nous saurons trouver un champion bourguignon pour nous représenter.

Sinon, donnez-nous réponse sur notre proposition, car nous ne sommes pas disposée à en formuler une autre plus proche des souhaits dont vous avez justifié votre démarche. Vous voulez un endroit pour vous installer en Bourgogne, vous voulez entrer à notre service... Alors soyez notre intendant et servez-nous.

Il est et demeurera, pour nous, hors de question de nous lier par un serment d'hommage et engager notre responsabilité dans un octroi nobiliaire avec une personne qui ne nous a encore jamais servie et parle sous notre toit avec tant de véhémence envers notre position, marchandant un titre comme on marchande un sac de cocagnes. Réclamer un titre, vous apprendrez que cela ne se fait pas. L'honnêteté et l'impertinence sont deux choses ; et si l'on est tout à la fois honnête et impertinent, mieux vaut que l'honnêteté ne dise pas tout ce que l'impertinence lui souffle. De même que l'ambition est une qualité, quand elle conduit à se surpasser. Mais dévoiler les motifs de ce surpassement, clamer que l'on veut un titre, cela est considéré comme déplacé. On peut le vouloir. Pas le dire. Il y a des codes qui régissent la noblesse. Apprenez-les. Servez-nous. Soyez fidèle. Fondez votre famille sur nos terres, avec notre soutien et notre bénédiction. Les titres viendront ensuite, d'eux-mêmes, si votre dévouement est si grand que vous le décrivez. »

Votre Grâce,

J'accepte votre proposition avec plaisir. Je serai très honoré de pouvoir vous servir et recevoir toit sur vos terres.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

Cette réponse, immédiate, prompte, calma un peu la jeune femme.

-« Cela est plaisant à entendre. Et puisque notre humeur est adoucie... Peut-être avez-vous une préférence sur la terre dont vous serez l'intendant ? Nous résidons principalement à Chablis, dont le vignoble est la principale source de revenus, et nous avons à cœur qu'il fleurisse.
Mais il y a aussi les terres du Nivernais, bien plus vastes, aux revenus plus divers, à gérer. Sinon, Chastellux, à la frontière du Nivernais, à quinze lieues d'ici en allant vers le Sud, dont une source de revenus conséquents est le bois. Il y a aussi la Dame de Railly non loin de Chastellux, puisque vous semblez l'apprécier.

Enfin, Laignes, à dix lieues d'ici, après Tonnerre, quand on va vers Langres... Mais il n'y a plus de château à Laignes, et nous ne sommes pas disposée à le faire reconstruire. Nous n'en avons pas besoin, ce serait coûteux. Ou peut-être construirons-nous une chapelle à la place.
Enfin, il y a deux maisons à nous dans le bourg, dont vous pourriez avoir jouissance - de l'une au moins - si vous choisissez cet endroit. Un vrai chantier, il y a à faire, remarquez... »

Ce qu'elle ne disait pas, c'était la raison pour laquelle elle avait toujours négligé cette terre, par rapport aux autres.

Le vieux Juge écoutait son hôtesse en hochant la tête. Fichtre, les terres étaient étendues...
Apres avoir réfléchi, il fit son choix.

Eh bien, les cultures viticoles n'existent pas en la bonne ville de Joinville, et j'ai souvent eu à coeur d'échanger mes connaissances à ce sujet avec le Vicomte Saxotenor de la Clairière Chantante, notre bon Recteur.

Donc, je vous propose de gérer les terres de Chablis. Je souhaite en augmenter la production totale par des techniques nouvelles de coupes et d'estage, ce qui semble également rendre la robe plus agréable et le corps délectable à souhait.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

Hochement de tête.

-« Cela est bien. Nous ferons ainsi. Et puisqu'il en est ainsi... Venez, nous allons vous montrer les quartiers réservés à l'Intendant de cette terre. »

Et elle se leva, pour le conduire jusqu'aux appartements de l'Intendant, qui n'avaient pas été habités depuis qu'Astérius ne l'était plus, ce qui se comptait presque en décennies !

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