Retrouvailles chaleureuses ...

... au coeur d'un automne des plus froids. Amaël n'ayant prévenu Béatrice de sa visite, il ne pouvait être certain que son amie serait à Chablis. Il savait néanmoins que si par malchance elle n'était pas en ces terres, il pourrait profiter de son hospitalité quelques jours même en son absence avant de repartir. Pénétrant dans le château, il sentit immédiatement qu'il faisait bien meilleur à l'intérieur. Ludwig, qui suivait l'évêque, s'avança auprès du serviteur qui venait accueillir les étrangers et certainement leur demander qui ils étaient. On avait beau avoir laissé entrer le carrosse et son occupant, car n'importe qui ne pouvait ainsi se déplacer et bien présenté, ils n'étaient pas pour autant au fait de l'identité du visiteur.

Monseigneur Amaël von Ried vient rendre visite à son amie la Duchesse de Bolchen. Son Altesse sérénissime est-elle présente en sa demeure ?

Il était peu conventionnel de se présenter chez les gens, même les amis, sans y avoir été préalablement invité ou avoir prévenu de sa venue, car alors l'hôte ne pouvait pas préparer décemment l'arrivée de son invité. Mais Amaël savait que bien que Béatrice soit attachée aux règles de bienséance et de protocole de la noblesse, tout comme lui, ils pouvaient se permettre certaines libertés entre eux. Elle ne prendrait donc certainement pas ombrage de cette visite surprise.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

C'était Judtta l'incapable bonne à rien faire qui avait accueilli le visiteur, et l'avait laissé patienter dans le vestibule, petite pièce sans cheminée, le temps d'aller prévenir la Duchesse qui, selon l'usage, indiquerait si elle recevrait le visiteur, et si oui, dans quels délais. La bonne contourna la cour intérieur par la galerie, d'un pas lent, dandinant ses rondeurs, et frappa à la porte à deux battants successifs de sa maîtresse.

-"Qu'y a-t-il, Judtta ?"
-"Béh, un p'tiot blond plus trop p'tiot et pu trrrop blond, mé l'même nom, j'crrroyons, Amaël, qu'attend là."
-"AMAEL ? DU RIED ?"
-"VON Ried" se gargarisa la camériste teutonne. "Il a dit von Ried, m'ame."

En robe d'intérieur, sans gants, non coiffée, ventre rebondi de la maternité en avant, Béatrice jaillit hors de sa chambre, comme jamais elle ne l'avait fait. Amael avait toujours l'art de tomber à Chablis comme un oisillon de son nid. Que ne s'était-il annoncé, que n'avait-il écrit pour donner des nouvelles ! Béatrice n'avait pas de mesure. Ses yeux ne pouvaient attendre que Judtta allât quérir le visiteur et le ramenât. Elle devait en avoir le cœur net, elle devait...

-"Dieu du ciel ! Amael !"

S'exclama-t-elle lorsque, arrivée dans le vestibule, elle eut vu.

Soudain, des pas qui approchent se firent entendre et Béatrice apparut, dans une tenue toute simple, sans apparats particuliers, naturelle, comme Amaël la connaissait et l'appréciait. La surprise se mêlait visiblement au plaisir de le revoir et l'Evêque fut ravi qu'elle accueille ainsi son invité surprise. Tout sourire face à la jeune duchesse, il s'avança et s'abima en une profonde révérence avant de prendre sa main et d'y déposer un baiser.

Béatrice ! Quelle joie de vous retrouver après si longtemps. Vous êtes merveilleuse ! Comme vous portez-vous chère amie ?

Et c'était vrai. Elle avait déjà donné naissance à un enfant et en attendait un deuxième, si jeune, et pourtant elle était toujours la même qu'avait connu le jeune évêque. Même dans cette tenue et sans fards, elle restait belle et inspirait toujours le respect et la magnificence. Une idée s'imposa alors à l'esprit d'Amaël: à défaut d'avoir pu devenir reine de France, elle ferait une merveilleuse impératrice du Saint-Empire.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

La jeune fille vit le jeune homme s'agenouiller devant elle, et elle voulut l'en empêcher. On le disait bien changé, on le disait prélat, et c'est à elle, enfant du Très Haut, de se courber devant Son serviteur, et d'embrasser sa bague épiscopale.
Elle était fière, Béatrice, fière de son sang, fière de son rang ; son éducation abbatiale lui avait pourtant inculqué ce qu'il fallait pour ne jamais fauter. La déférence à l'Eglise était la prime de ses qualités.

Aussi, elle trouva l'occasion de rétablir les positions lorsqu'il eut parlé.

-"Monseigneur ! Le temps a foncé vos cheveux, vous n'êtes plus la tête blonde d'il y a peu encore, oh... Amael, l'on vous dit bien évêque !"

Là, elle pencha son aimable cou en direction de la main du jeune homme, dans un révérant baiser.

-"Venez, entrez... Vous avez bien changé, mais vous pensez encore à votre amie ! Venez, au chaud nous serons mieux. Vous avez beaucoup à me compter, je gage."

"Nous" : Amael, elle et l'enfant sous le ventre arrondi.
Elle parlait sans fard à peu de personnes ; et tout respectable qu'il était devenu, il restait Amael, le bavard blondinet.

Amaël fut amusé de la situation, alors que se redressant, Béatrice courbait l'échine pour embrasser son anneau épiscopal. Il leva donc la main afin de palier aux convenances, bien qu'entre eux, tout cela était superflu, mais que voulez-vous, leur pieuse et haute éducation noble ne pouvait point s'oublier. Il sourit alors aux paroles de son amie.

Oui il est vrai que j'ai bien changé et que je suis bien évêque à présent, mais vous aussi chère amie. Si mes cheveux ont changés, mes vêtements également, et vous êtes vous devenue une femme radieuse. Que Dieu vous bénisse et vous protège pour ce cadeau qu'il vous fait.

Béatrice était belle dans cet état, et il la suivit afin de pouvoir comme avant, pouvoir parler des heures avec elle. Amaël était devenu taciturne, on le surnommait parfois "Le Stoïque", mais avec Béatrice, il restait le petit garçon blond bavard qui aimait parler et partager tout et n'importe quoi avec elle.

Fantôme Illustre Nombre de messages : 533 Date d'inscription : 30/09/2008

Béatrice précéda son ami dans la bâtisse. La galerie entourant la cour intérieure du castelet de Chablis desservait les pièces du rez-de-chaussée, dont la chambre de la jeune Duchesse, où elle passait le plus clair de son temps, notamment en hiver, car la pièce était moins vaste à chauffer que la grande salle d'apparat de l'étage supérieur.
La chambre contenait un vaste lit sur lequel se prélassait un chat blanc, plusieurs malles garnies de coussins, à la fois rangement et sièges, un écritoire et une belle cheminée. C'était un lieu éclairé d'une petite fenêtre, gardant la chaleur à l'intérieur. On y entrait par deux portes successives, prémunissant elles aussi contre le froid de la cour.

Béatrice invita Amael à s'asseoir et fit signe à Judtta d'aller chercher du Chablis. Il y avait déjà, dans la chambre, un compotier de biscuits aux épices.

-"Alors, contez-nous votre vie, Amael, et ce choix... L'épiscopat, belle vocation !
Mais avant, dites-nous... Comptez-vous rester ici quelques temps ? Ou n'êtes-vous là que de passage, en voyage, peut-être ?"