Anthologie HRP.

Maud veut devenir vassale d'Aimbaud.

"Sauf que Monsieur le Duc, même si je sais bien qu'une épouse prend non seulement le nom de son promis et perd sa suzeraineté sur ses propres terres, je ne peux me résoudre à ne pas avoir de refuge ni de domaine à m'occuper.

Je suis une terrienne avant tout, et j'aimerais comme je l'ai fait à Beaumont, faire fructifier des terres et pouvoir m'y rendre quand l'envie m'en prend.

La Vicomté de Montreal appartenant à mon époux est une véritable forteresse humide et sombre et je ne rêve que de vignes, d'espace, de ferme, de saloir et de maisonnée sentant bon la cire et entourée de mes gens Berthe, cuisinière emmérite, formée par mes soins , Marion, femme d'ouvrage dure à la tâche et mon garde expérimenté.

Monsieur le Duc, vous l'aurez compris, je me tourne vers vous pour devenir votre vassale.
Pourquoi vous?
Vous êtes d'abord le fils de Erikdeljosselinière, une légende bourguignonne que je n'ai croisée qu'une fois il est vrai.
Si vous en êtes devenu le digne fils, et malgré nos premières rencontres où puceau vous étiez odieux et arrogant, je me dis que le mariage et les mois écoulés ont assagi votre caractère et je serai heureuse de devenir votre vassale dévouée comme je l'ai été pour Della.

En espérant que vous ne prendrez pas ombrage de cette requête, je vous salue.

Cordialement

Maud saint Anthelme
Future ex Dame de Beaumont "



"De moi, Aimbaud de Josselinière, Marquis de Nemours, Duc de Corbigny, Seigneur de Decize et Saint Robert,
À vous, Maud de Saint Anthelme,

Salut.

Votre dévouement me fait plaisir. J'entends vos craintes. Qui n'en éprouve pas à l'orée d'un mariage ? À pareille heure, tout être est pris d'effroi et lance ses inquiétudes comme des graines à tous vents, qui sur son devenir, qui sur le temps qu'il fait, qui sur la forteresse froide de son promis où il faudra vivre, prospérer, et lâcher des portées de petites têtes blondes qui cavaleront sur les tapis. Il est aisé d'avoir peur, ma damoiselle. Mais il est plus sage de penser judicieusement, et de rester à la place que le Très-Haut nous a accordée.

Par le mariage vous serez demain faite vicomtesse. C'est une couronne bien lourde à porter pour une petite tête de dame, ne pensez-vous pas ? J'aurais peine à penser que, enorgueillie par cet octroi, vous ayez les yeux tous bouffis par l'émotion, des yeux qui gonflent, jusqu'à devenir plus gros que votre ventre. Si j'avais un conseil, il serait celui-là : apprenez d'abord à tenir les rênes d'un vicomté, tout du moins à soutenir votre époux dans cette tâche en le servant maritalement. Comblez ses attentes, vivez pieusement, et ensuite, éventuellement, si la course au temps vous le permet (mais j'en doute), vous aviserez de vous trouver une petite terre à jardiner po
ur occuper vos dimanches. Va ?

Point trop n'en faut, pour vivre noblement. Je vous souhaite d'apprendre la bonne mesure. Et vous me ferez le plaisir de vous excuser sincèrement auprès de Della si vous l'avez froissée : la vassalité, ce n'est pas qu'un échange de biens, c'est une mentalité.

Mes félicitations pour vos épousailles,

Aimbaud de Josselinière
"